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Charneux & Tejero

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Overflows

Les œuvres de Baptiste Charneux et Benjamin Tejero réunies dans Overflows semblent concourir à prendre l’empreinte de l’eau. Si le titre suggère l’abondance, l’eau est en réalité toujours manquante : soit dans un état latent, prête à se déverser, soit évaporée, mais aussi stagnante, voire croupie : l’eau est bien présente, mais absente sous sa forme de flux, et c’est pourtant ce flux qui sous-tend tout entier l’exposition des artistes.
L’excès de l’overflow ne se traduit pas dans la quantité, mais dans l’excès même des états de l’eau, avec au cœur son pouvoir infiniment limitrophe : ainsi les artistes poussent-ils leur spectateur d’une rive à l’autre, le long d’un cours de lumière.
Selon le poète Francis Ponge, l’eau est essentiellement ce qui recherche le bas, qui n’a de cesse de rechercher le bas, et s’avilir. L’eau est aussi ce courant souterrain, chtonien, qui engendre inflexion et glissement : oblique du jeu de regard gravé dans le verre par Benjamin, pulsion scopique de celui qui veut voir dans la jarre et trouve, dans l’œuvre de Baptiste, une tautologie avec deux volumes superposés, ou des céramiques aux extrémités chenillées.
On se lave où l’on salit (la salle de bain), on se délasse où l’on étouffe (dans la vapeur), on rehausse un mobilier fonctionnel d’appendices glorieux (le mobilier de bain), la violence subtile et narcissique de notre rapport à notre image est captée par Benjamin et Baptiste, qui la transcrivent dans leur usage des matériaux, à la fois précis et vulnérable, originaire et sophistiqué.
Overflow désigne un envahissement, et l’eau (au-delà de sa propension à descendre, toujours), se caractérise essentiellement par son pouvoir invasif : pouvoir conquérant du flux, pouvoir érosif du ruissellement. Overflow est l’anomalie du cours d’eau, ce qui empêche mesure et séchage.
L’impossibilité de contenir (et par suite, le débordement) unit les œuvres de Benjamin et Baptiste, produites conjointement : contenir suppose une forme figée, définitive, or les jarres demeurent en terre crue. Les paravents sont, quant à eux, gravés de motifs élabores : mais ceux-ci suggèrent l’ébauche (du geste érotique), ou l’organicité de poils pressés sur le verre.
Du motif de l’eau et de la flaque, décliné dans l’exposition, émerge celui du corps, de la tentation de faire corps, en campant une rotondité qui se refuse à « faire l’objet » pour fusionner avec l’espace même, ou en mettant en scène la séduction, la nature à la fois parfaite et défaillante d’une rencontre avec soi et avec l’autre.

Un texte d’Anne-Claire Barriga

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